"Je suis l'Ultime Perfection" (Fin)
Version complète dans "Créations"
Le manteau de l’Automne qui enferme ma surface déboussola mes habitants. Orphelins de ma présence, Danseurs et Inspirés me recherchent mais portent leurs regards dans la mauvaise direction, vers le ciel, royaume de Diurne et des Lueurs. C’est un nouveau mensonge du grand Manipulateur qui s’amuse à observer ceux qui s’éloignent de moi en croyant me rencontrer. A la manière des Muses, les Inspirés poursuivent au loin l’Ultime Perfection sans remarquer qu’elle s’étend à leurs pieds.
Ce drame amer est une cruelle caricature digne de mon Ennemi.
Pris au dépourvu, l’éternel arbitre Janus réagit trop tardivement et trop frileusement à l’ostensible tricherie du Masque pour me sauver de la disparition. Il se contenta simplement de sauver ce qui subsistait de l’héritage des Muses. Il s’approcha des trois Dames des saisons encore pures et, ensemble, ils se substituèrent à moi. Janus se réserve le droit de choisir les nouveaux porteurs de Flammes pendant que les enfants du Printemps, Eté et Hiver se charge de la transmission du précieux don des Muses.
Je suis le Centresprit et je suis irremplaçable, quoi qu’en pensent certains Eternels prétentieux.
Tout est perdu, Janus et les Dames sont grisés par le pouvoir dont ils m’ont dépouillé. Les derniers Inspirés ne sont plus que les jouets du Drame. Les mortels assujettissent à leur volonté de fer ou de velours les candides Danseurs. Tous m’oublient peu à peu et j’entends le rire grinçant et moqueur du Masque qui déguste sa vengeance avec volupté.
Pour qui devrais-je encore subsister !
A présent, je vais rejoindre mon amie l’Ombre dans la folie. Elle saura me comprendre et me réconforter comme je l’avais fait il y a longtemps pour elle. Dans ses bras et dans ses cheveux de jais au parfum de la peur, je m’oublierai dans les limbes. Je disparaîtrai dans les coulisses de l’existence loin des projecteurs et des regards, pour un dénouement inattendu et spectaculaire qui surprendra le Dramaturge lui-même.
J’étais l’Ultime Perfection perdue à jamais…